DOSSIER
DÉCONFINEMENT
LE MONDE D’APRÈS EST INCERTAIN
Alors que les mesures de confinement sont progressivement
levées, les entrepreneurs font face à la délicate mission
de s’adapter à un environnement sanitaire, financier
et économique encore largement inconnu.
Rendre son entreprise plus agile passe inévitablement
par une bonne communication à tous les niveaux.
CÉDRIC BOITTE
Sur quelle base établir un budget et passer les commandes pour les six prochains mois ? Comment gérer le personnel face à ce niveau d’activité incertain ? Quelles mesures sanitaires persisteront en Belgique et à l’étranger ? Mon fournisseur pourra-t-il continuer à me livrer comme d’habitude ? La banque m’octroiera- t-elle un crédit si l’activité ne reprend pas rapidement ? Quels investissements poursuivre ou arrêter ? Ce ne sont là que quelques interrogations auxquelles font face les dirigeants d’entreprises familiales à l’heure actuelle.
SIX QUESTIONS DE BASE
Comme l’illustrent les témoignages du
chef Christophe Pauly, des frères Bouhy
(Elneo) ou d’Edouard Herinckx (Thomas
& Piron), la réalité d’une entreprise n’est
certainement pas celle d’une autre. Les
éléments à prendre en considération sont nombreux. Ils dépendent du secteur,
de l’entreprise, de son activité, de sa situation
financière, de ses collaborateurs, de ses
clients ou fournisseurs.
Les bonnes questions à se poser sont par
contre les mêmes. Les spécialistes de BDO
en ont épinglé six :
1. Comment rassurer nos collaborateurs,
clients et autres parties prenantes pendant
la période de relance ?
2. Comment analyser judicieusement l’impact
de la crise du coronavirus sur les performances
de notre business ?
3. Quelles mesures prendre en matière de
gestion financière et de gestion des coûts ?
4. Comment ajuster nos politiques commerciales
en tenant compte de l’impact du Covid-
19 ainsi que des défis post-crise auxquels
sont confrontés nos principaux clients
et autres parties prenantes ?
5. Quelle stratégie de transformation numérique
mettre en oeuvre afin de créer de nouvelles
manières d’interagir avec nos clients,
collaborateurs, fournisseurs, etc. ?
6. Comment ajuster tous les éléments clés
de notre modèle opérationnel (segmentation
de la clientèle et prestation de services,
processus et systèmes, structures organisationnelles
et gouvernance, planification du
personnel et des effectifs, etc.) ?
LE TAKE-AWAY : L’AVENIR DE LA GASTRONOMIE
Autodidacte, Christophe Pauly
a fondé Le Coq aux Champs,
à Soheit-Tinlot, en 2003. Régulièrement
salué par les guides,
le restaurant familial emploie
désormais une dizaine de collaborateurs
et a subi, comme
tout le secteur horeca, l’impact
de la pandémie de Covid-19 de
plein fouet. Le chef-propriétaire
entend toutefois poursuivre
le développement des lieux et
a lancé le premier drive-in
étoilé de Wallonie, en pleine
campagne condruzienne.
TRENDS-FAMILY BUSINESS.
Comment s’organise la vie
d’un restaurant en pleine
pandémie ?
CHRISTOPHE PAULY. Quand
la nouvelle du confinement est
tombée en mars, cela a été
un véritable coup de massue
pour toute l’équipe. Même si je
sentais qu’on n’y échapperait
pas, je ne m’attendais pas à
ce que cela soit aussi brutal.
On a été pris au dépourvu. On a
dû fermer un vendredi soir, juste
avant le week-end, quand de
nombreux restaurateurs ont fait
le plein de provisions. J’avais
commandé 60 kg d’asperges et
ne me voyais pas faire faux bond
à mon fournisseur. Toute la
famille a mangé beaucoup
d’asperges durant le confinement…
Mais j’en ai profité aussi
pour faire du rangement,
pour passer du temps avec
ma famille. Et évidemment
pour réfléchir à l’après et mettre
des choses en place.

Comme votre service de plats
à emporter qui permet
à votre restaurant d’assurer
un minimum d’activités ?
Cela génère quelques rentrées,
d’autant que la clientèle se
montre plutôt enthousiaste.
Mais l’objectif
n’était certainement
pas d’arrondir les fins
de mois durant le confinement.
On proposait déjà des plats
à emporter pour les fêtes
et désormais, le take-away fera
partie intégrante de notre offre.
Je l’ai mûrement réfléchi, notamment
afin de trouver des contenants
(recyclés) adéquats. C’est
quelque chose de courant en
Amérique du Nord. En Belgique
ou en France, c’est très rare,
ce n’est pas dans la culture des
chefs. Mais je pense que la crise
va nous obliger à nous recentrer
sur l’essentiel qui est simplement
de faire plaisir aux gens, peu
importe que les plats soient
à emporter ou servis à table.
Poursuivre la surenchère de
services et de mignardises serait
suicidaire car tout le monde ne
voudra plus passer des heures
à table et il faudra s’adapter aux
mesures sanitaires. Le nombre
de places sera réduit et les tables
ne pourront probablement
pas dépasser quatre personnes,
insuffisant pour les fêtes d’anniversaire,
etc. (depuis l’interview,
le gouvernement a autorisé
les tables de 10 personnes, Ndlr)
Comment envisagez-vous
l’avenir du restaurant ?
A l’heure actuelle, on ne sait pas
du tout quelles seront les mesures
imposées, ce qui est assez
frustrant. On a adapté les sanitaires,
que nous avions de toute
façon prévu de rénover. J’ai préparé
trois scénarios afin d’adapter
la salle. Mais il est certain que
je ne veux pas que le plexiglas
envahisse la salle. Les gens ne
vont pas dans un restaurant
gastronomique pour se sentir
piégés. En cuisine, on devra sans
doute composer avec certaines
difficultés d’approvisionnement.
Je privilégiais déjà les produits
locaux quand cela était possible
et continuerai dans cette voie.
On devra sans doute aussi adapter
l’offre en proposant moins
de produits à la carte, en renouvelant
plus souvent le menu.
En résumé, se recentrer sur
notre métier de cuisinier créatif.
Financièrement, la situation
doit toutefois être assez
tendue ?
On a la chance d’avoir pu accumuler
des réserves depuis
la création du restaurant il y a
17 ans. Cela doit être beaucoup
plus dur pour ceux qui se sont
lancés ces dernières années.
Concrètement, on a revu la
période de prélèvement de crédits
d’investissement pour nous
donner davantage d’air. Depuis
le début du confinement,
l’ensemble des salariés est aussi
en chômage économique, mais
ma volonté est de garder tout
le monde, de pouvoir continuer
à donner du travail à toute
l’équipe, ce qui passera sans
doute en partie par le take-away.

LE COQ AUX CHAMPS
Depuis le début du confinement, l’ensemble des salariés est en chômage économique.
©PGFACE À CET AVENIR PLUS INCERTAIN QUE JAMAIS, LA COMMUNICATION EST DÉTERMINANTE.
PLANS COM’ OBSOLÈTES
Ces questions sont assez vastes et les réponses
encore souvent incertaines. Mais
vous n’êtes pas le seul à vous les poser. Vos
clients, fournisseurs, collaborateurs, actionnaires
s’interrogent également. Face à cet
avenir plus incertain que jamais, la communication
est déterminante.
C’est pourtant encore le point faible de nombreuses
entreprises, même parmi les grandes.
Selon un sondage de BePublic Groupe,
la majorité des grandes entreprises de Belgique
n’étaient pas prêtes en matière de
communication de crise lorsque la pandémie
a éclaté. Pour beaucoup, cette situation
découle de l’absence de plans ou de plans
obsolètes.
Evidemment, les PME familiales n’ont pas
forcément les mêmes besoins et mêmes
moyens de communication vis-à-vis du public
en général. Mais la communication interne
est certainement au moins aussi importante
dans le contexte actuel.
LA FLEXIBILITÉ POUR S’ADAPTER
La société liégeoise Elneo est
spécialisée dans la vente, l’installation
et la maintenance de produits
industriels à air comprimé :
compresseurs, matériel pneumatique,
instruments. La société
occupe 80 personnes à Liège et
sur ses deux sites en Flandre
(Gand et Anvers). Depuis le début
de la crise et pour les mois à
venir, l’entreprise veille à s’adapter
à un niveau d’activité disparate
et changeant, comme nous
l’expliquent Mathieu et Jonathan
Bouhy qui ont repris l’entreprise
familiale il y a trois ans.
TRENDS-FAMILY BUSINESS.
Quel est l’impact de la crise
sur votre entreprise ?
MATHIEU ET JONATHAN
BOUHY. Nos activités en ont
évidemment souffert. Au niveau
commercial, on compte beaucoup
sur les visites de clients qui
n’ont pas pu se faire. Même avec
la levée du confinement strict,
nos commerciaux n’ont toujours
que des rendez-vous avec des
clients existants, la prospection
étant à l’arrêt. On a aussi
une équipe de 15 techniciens
de maintenance qui sillonnent
les routes en temps normal.
Durant le confinement, seuls
deux assuraient les dépannages
urgents et pour les hôpitaux.
L’activité reprend toutefois assez
rapidement avec le déconfinement.
Par contre, la vente
de compresseurs et de matériel
pneumatique redémarre beaucoup
plus lentement, nos clients
reportant leurs investissements
face à l’incertitude actuelle.
En termes d’organisation, nos
investissements dans la numérisation
nous ont permis de rapidement
passer au télétravail.
Comment vous adaptez-vous
à un niveau d’activité aussi
changeant ?
On a recours au chômage
temporaire afin d’adapter nos
équipes au niveau d’activité.
Evidemment, cette période est
aussi compliquée pour eux.
C’est pourquoi on réalise
chaque semaine une vidéo
pour les tenir au courant de
la réglementation, expliquer
les mesures et leur détailler
l’évolution de l’activité. On a
aussi mis au point un système
permettant à nos collaborateurs
de poser des questions de façon
anonyme et donc sans tabou.
L’objectif est que chacun se sente
concerné, qu’on trouve des
solutions ensemble et de garder
le contact avec l’entreprise après
plus de deux mois de télétravail.
De la même façon, on tient
toutes les deux semaines un
conseil d’administration virtuel.
Financièrement, quelles
mesures avez-vous prises ?
Il est clair que nos chiffres annuels
vont être fortement affectés par
la crise du coronavirus. Outre
l’ajustement de nos dépenses,
on peut compter sur une réserve
financière qu’on s’est attaché
à étoffer depuis qu’on a repris
l’entreprise. Par précaution,
nous avons contacté nos fournisseurs
pour rallonger les délais
de paiement et notre banque
qui nous a donné un avis positif
quant à un éventuel crédit.
Jusqu’à présent, nous n’avons
pas dû recourir à ces mesures
complémentaires mais cela
nous offre une certaine sérénité
financière.
Quand espérez-vous
un retour à la normale ?
Pour les activités d’entretien
et de maintenance, on envisage
un retour à la normale, ou quasiment,
cet été. Cela sera un peu
plus long pour la vente de
compresseurs. On espère
une normalisation des ventes
à l’automne mais cela dépendra
de la volonté d’investir de nos
clients et éventuellement de
l’un ou l’autre projet important.
Un gros contrat peut nous permettre
d’effacer l’impact
d’un plus faible niveau d’activité
de base.
La crise remet-elle certains
projets en cause ?
On avait lancé une activité
en France en janvier, un projet
qui est évidemment en pause
pour l’instant. Globalement,
on ajuste nos investissements
au niveau de l’activité. Cela nous
permet de garder le contrôle
mais cela ne remet pas les projets
ou la stratégie en cause.
Voyez-vous des opportunités
dans cette crise avec la possibilité
d’embaucher certains
profils ou de gagner des parts
de marché ?
On avait complété nos équipes
l’année dernière. Nous ne sommes
donc pas en recherche
active de personnel même
si nous ne fermons pas la porte
à tous les profils. Par rapport
à nos concurrents, nous restons
vigilants. Nous ne cherchons
pas activement à effectuer
une reprise, mais si une opportunité
se dégage, nous y serons
attentifs. On espère aussi attirer
de nouveaux clients grâce
à notre solidité financière
et notre réactivité qui nous permettent
de réagir rapidement
aux demandes des prospects.

MATHIEU ET JONATHAN BOUHY
©PGEN INTERNE
Pour Gary Grates, expert reconnu mondialement
de la communication d’entreprise, le
Covid-19 va contraindre les dirigeants d’entreprise
à repenser leur communication interne.
« La pandémie fait prendre conscience
aux dirigeants que les entreprises ne
peuvent pas croître, prospérer ou même
survivre sans des collaborateurs bien informés,
engagés et sensibilisés. »
Un défi encore plus grand dans un climat
incertain et marqué par le recours accru au
télétravail. « Travailler dans un environnement
virtuel ouvre de nouvelles voies d’innovation,
de création et des techniques de
gestion plus pertinentes. Mais il est aussi
source d’anxiété, de peur et de solitude. »
Dans ce contexte, la communication interne
évolue de « processus rigide à véritable philosophie ». Elle « doit être financée, dirigée
et mesurée comme toute autre fonction de
l’entreprise. La communication interne doit
être considérée comme un élément important
du modèle de management d’une entreprise.
Elle ne peut plus être considérée
comme une fonction séparée et distincte ».
Gary Grates insiste aussi sur l’importance
d’une communication reposant à la fois sur
les faits et les émotions. Ce qui implique
d’informer clairement les collaborateurs des
mesures prises, comme le chômage temporaire,
mais aussi de garder un contact humain
et de pouvoir entendre leurs craintes.

L’IMPORTANCE D’UNE COMMUNICATION REPOSANT À LA FOIS SUR LES FAITS ET LES ÉMOTIONS.
VERS LES CLIENTS ET FOURNISSEURS
La communication envers les autres parties
prenantes de l’entreprise est aussi déterminante
dans le contexte que nous connaissons.
Communiquer régulièrement, clairement
et honnêtement envers les clients et
fournisseurs est indispensable pour parvenir
à s’adapter à des mesures sanitaires encore
inconnues qui risquent d’être différentes
en fonction des pays.
Face au risque de rupture/ralentissement
des chaînes d’approvisionnement, les entreprises
peuvent envisager différentes mesures,
comme augmenter les stocks de sécurité,
trouver des fournisseurs de remplacement
ou étudier de nouvelles méthodes
de livraison, en gardant à l’esprit que ces
solutions alternatives pourraient devenir
pérennes en cas de nouvelle vague de la pandémie
ou en raison de décisions politiques.
Il reste difficile de prévoir comment évoluera
le commerce avec la Chine ou même
avec le Royaume-Uni qui négocie toujours
les contours de sa future relation avec
l’Union européenne.
Les mêmes interrogations sont de rigueur
envers les clients. Comment l’entreprise
peut continuer à répondre à leurs besoins et
les livrer ? Si une perte semble inévitable, quels autres clients ou débouchés
l’entreprise peut-elle prospecter ?
C’est ainsi que le chef du restaurant Le Coq
aux Champs est arrivé à la conclusion que
la vente de plats à emporter devenait indispensable
pour garder le même niveau d’activité
et conserver à terme tous ses collaborateurs
(lire l’encadré « Le take-away : l’avenir
de la gastronomie »).

ADOPTER UNE APPROCHE ET UNE COMMUNICATION PROACTIVE VIS-À-VIS DE SON BANQUIER EST AUSSI INDISPENSABLE.
POUR LES BANQUES ET ACTIONNAIRES
La communication envers les partenaires
financiers de l’entreprise n’est également
pas à négliger. Après plus de deux mois de
confinement, la trésorerie de nombreuses
entreprises familiales a été mise à rude
épreuve. Traditionnellement, beaucoup
conservent des réserves représentant de
l’ordre de trois à quatre mois d’activité. Si
l’entreprise continue de tourner au ralenti
au cours des prochains mois, le besoin de
capitaux va donc se faire sentir.
Evidemment, adapter les dépenses est le
maître mot en de telles circonstances. Adopter
une approche et une communication
proactive est aussi indispensable. Rien n’est
pire que se retrouver le couteau sous la
gorge : les fournisseurs, banques et autres
créanciers pourraient s’inquiéter et les actionnaires
pourraient rechigner à renforcer
les fonds propres s’ils sont pris au dépourvu.
Mathieu et Jonathan Bouhy (lire l’encadré « La flexibilité pour s’adapter ») ont ainsi pris
les devants en contactant leurs principaux
fournisseurs et leur banque afin d’obtenir
un préaccord sur un allongement des délais
de paiement et un crédit. Cela leur a permis
de prévoir les fonds nécessaires si l’activité
ne redémarre pas aussi vite que prévu et de
pouvoir ainsi aborder les prochains mois un
peu plus sereinement.
A ce titre, élaborer un budget pour 2021, ou
même juste pour le second semestre 2020,
est extrêmement ardu pour nombre de sociétés.
En prévoyant trois scénarios de rétablissement
des activités (le meilleur, le moyen,
le pire), elles peuvent anticiper les besoins
pour faire face à toutes les circonstances.
NE PAS OUBLIER LES POUVOIRS PUBLICS
Lorsque l’on parle de parties prenantes, il
ne faut pas non plus oublier les autorités.
Dans le contexte actuel, beaucoup d’entreprises
comptent évidemment sur différentes
mesures publiques comme le chômage
temporaire ou les aides régionales
pour traverser la crise.
Différents secteurs sont aussi directement
concernés par les consignes sanitaires qui
persisteront au cours des prochains mois
ou par des plans de soutien spécifiques.
Mais comme le rappelle Edouard Herinckx
(lire l’encadré « Eviter une deuxième vague
économique »), les pouvoirs publics sont aussi une partie prenante à part entière
d’une entreprise.
Les entreprises et fédérations ont clairement
un rôle à jouer auprès des pouvoirs publics
en proposant des solutions de relance ou en
les avertissant sur les freins potentiels.
EVITER UNE DEUXIÈME VAGUE ÉCONOMIQUE
Fondé en 1976, Thomas & Piron
s’est tout d’abord fait une réputation
chez nous dans la construction
de maisons clé sur
porte. Toujours implanté
dans son village d’Our-Paliseul,
le groupe a mûri en 44 ans.
Il est désormais présent dans six
pays (Belgique, Maroc, France,
Luxembourg, Portugal, Suisse)
et couvre tous les segments
de marché : construction
résidentielle, rénovation,
bâtiments fonctionnels comme
des immeubles à appartements,
bureaux, commerces, halls
industriels, infrastructures.
Thomas & Piron est ainsi devenu
une des principales sociétés
familiales en Belgique.
Son capital est en effet entièrement
détenu par le fondateur
Louis-Marie Piron, par ailleurs
notre Manager de l’Année 2014.
Son bras droit, Edouard
Herinckx, administrateur délégué
de Thomas & Piron Holding,
nous explique comment
le groupe traverse la crise
et quelles sont ses inquiétudes
pour l’avenir.
TRENDS-FAMILY BUSINESS.
Comment le groupe est
parvenu à traverser la crise
du confinement ?
EDOUARD HERINCKX.
Lors de l’annonce du confinement,
nous avons pu compter
sur nos équipes informatiques
pour passer rapidement
en télétravail. En deux jours,
tous nos employés, c’est-à-dire
par moins de 700 personnes,
étaient ainsi opérationnels.
Cela nous a permis de préparer
rapidement la reprise des chantiers.
Dès le 15 avril, nous avons
ainsi pu redémarrer pleinement
nos activités grâce à la réactivité
de nos équipes
et notre actionnaire.
Nous avons aidé certains
de nos fournisseurs pour qui
le redémarrage était plus complexe.
Nous avons aussi tout mis
en oeuvre pour pouvoir recevoir
nos clients dans les meilleures
conditions sanitaires possible.

EDOUARD HERINCKX
©PGL’activité est donc quasiment
revenue à la normale ?
Pour 2020, nous mettons tout
en oeuvre pour respecter
les délais et avons ainsi décidé
de renforcer nos équipes avec
l’embauche de 80 maçons.
Ces collaborateurs supplémentaires
nous permettront évidemment
de rattraper le temps
perdu mais aussi de répondre
à notre croissance continue.
Notre chiffre d’affaires devrait
ainsi à nouveau progresser d’une
dizaine de pour cent à 580 millions
d’euros cette année. A plus
long terme, nous restons confiants,
nos marchés étant notamment
soutenus par les taux bas.
Nous appelons toutefois
les autorités à rester vigilantes.
Nous comprenons
évidemment
que les autorités s’occupent
des urgences comme la situation
du secteur de l’horeca.
Cependant, une relance par
la réduction de la TVA pour
la construction neuve sera
indispensable pour le secteur.
Quelles sont vos principales
craintes ?
Le secteur de la construction
est souvent en décalage. Nous
concrétisons
actuellement les
commandes passées fin 2019-début
2020. Notre crainte est
toutefois de voir le flux de commandes
se tarir notamment en
raison de lenteurs dans l’évolution
des projets. Je pense
notamment aux autorisations administratives
comme les permis
ou aux divers raccordements.
Après le confinement, s’il n’y a
pas de permis durant tout l’été,
on risque de le payer dans
quelques mois. Il n’est pas trop
tard, mais il est temps de mettre
les bouchées doubles.
Vous venez de boucler
l’acquisition de l’entreprise
suisse Dumas.
Etait-ce une opportunité
liée à la crise actuelle ?
Non, la reprise avait été négociée
avant la crise et il ne nous
manquait plus que des documents
administratifs. Mais nous
restons attentifs aux opportunités.
Nous ne cherchons pas
à reprendre des concurrents
directs mais plutôt à soutenir
des projets d’entreprise
qui compléteraient notre offre
et notre expertise. Intrinsèquement,
nous nous attendons
aussi à ce que la crise soutienne
l’activité de rénovation. Que cela
soit lié au développement
du télétravail ou à la volonté
d’améliorer le confort de
son logement, le confinement
a donné des envies d’amélioration
de leur foyer à de nombreuses
personnes.
L’AGILITÉ EN MAÎTRE MOT
Si la communication est essentielle dans cette phase incertaine du redémarrage de l’économie, c’est avant tout au service de l’agilité. Les entreprises sont contraintes de se préparer au pire, tout en espérant le meilleur. Elles doivent parvenir à s’adapter à une demande plus qu’incertaine, à des mesures sanitaires et économiques encore floues. Mais l’agilité ne se limite pas à la gestion de la crise. C’est la clé pour accompagner les nombreux changements dans la société, une évolution qui s’est encore accéléré avec la pandémie de Covid-19. •